Les rejetons de l’Ombre
Cycle d'Ender (La saga des ombres, tome 5 ?)
Orson Scott CardCycle d'Ender (La saga des ombres, tome 5 ?)
Editions l’Atalante
200 pages
Quatrième de couverture
Ils étaient quatre à bord de l’Hérodote : Bean, le Géant, le stratège inégalable, et ses trois enfants héritiers de la clé d’Anton. Ender, Carlotta et Cincinnatus, trois petits génies condamnés comme leur père à une existence abrégée, que Bean avait arrachés à leur mère et à leur monde dans l’espoir que leur malédiction génétique trouverait un jour son antidote. Cinq ans s’étaient écoulés sur l’Hérodote tandis que le vaisseau filait à une vitesse relativiste, plus de quatre cents ans sur Terre. Et la Terre les avait oubliés... Leur seul espoir reposait désormais en eux-mêmes, peut-être en ce qu’ils allaient trouver parmi les étoiles, et Bean approchait d’une mort inéluctable.
Les autres tomes de la Saga des Ombres : La Stratégie de l'Ombre / L'Ombre de l'hégémon / Les marionnettes de l'Ombre / L'Ombre du Géant.
Ma rencontre avec le livre
Fan d’Orson Scott Card, lecteur assidu en particulier du cycle
d’Ender, j’ai été pris de court en découvrant en mars dernier que les
éditions l’Atalante allaient déjà publier ce roman sortie l’an dernier en VO.
Pourquoi une telle surprise ? Parce que j’avais dû attendre près de 6 ans
pour que paraisse en poche le dernier Card que j’ai lu (à savoir le tome 4 de
la Saga des Ombres, chroniqué ici). Je remercie donc doublement
l’Atalante pour cette publication éclaire et pour m’avoir permis de me
réconcilier avec un auteur sur lequel je commençais à avoir des doutes : Les
rejetons de l’Ombre les balayent d’une claque phénoménale.
Ma lecture du livre
Vous aurez peut-être noté le « La saga des ombres 5 »
entre parenthèse et accompagné d’un point d’interrogation dans le titre de
l’article. Cela traduit tout simplement la difficulté à insérer cette suite qui
n’en est pas vraiment une dans l’œuvre de Card. Indéniablement, Les rejetons
de l’ombre fait partie du cycle d’Ender (à mon sens bien plus que
les précédents tomes de la Saga des Ombres) mais de là à dire qu’il
s’agit du tome 5 de la dite saga, ce n’est pas si simple. Explications.
Je l’ai dit, Les rejetons de l’ombre est une suite
qui n’en est pas vraiment une. Suite car on
retrouve les personnages laissés à la fin de l’Ombre du géant, le
tome 4 de la Saga des Ombres, et on se place dans une certaine
continuité chronologique. Mais, pas tout à fait une suite car nous tenons là un
roman singulièrement différent de ce à quoi l’auteur nous avait habitué dans la
Saga des Ombres.
Cela tient tout d’abord à un scénario beaucoup
plus « restreint » au sens où il se concentre sur un nombre limité
de personnages, donnant ainsi à Card l’occasion de rejouer de ce qui faisait la
force de La Stratégie Ender : l’interaction entre quelques
individus réunis dans un espace limité. On retrouve le talent de l’auteur à
dresser le portrait de personnages et à fouiller leur psychologie tout en les
plongeant au cœur d’une « aventure » centrée ici sur l’exploration
d’un mystérieux navire extraterrestre croisé durant leurs pérégrinations
spatiales (a priori pas très original comme accroche mais,
détrompez-vous, ça marche à merveille. Je n’en dis pas plus).
La tonalité de l’intrigue est également radicalement
différente des précédentes aventures de Bean dans la Saga des Ombres et
contribue à ma réticence à parler de « suite ». A mon grand
plaisir, Card abandonne enfin l’anticipation géopolitique (qui commençait à me
lasser) pour revenir vers de la SF plus spatiale aux touches Hard-SF
(c’est à dire mettant l’accent sur des démonstrations scientifiques). Que les
allergiques aux réflexions sur la gravité ou la génétique ne s’effrayent
pas : malgré mon faible bagage scientifique, je n’ai pas été endormi et je
pense avoir plus ou moins bien compris les différents points technologiques et
biologiques au cœur de l’intrigue.
Mais surtout, si Card m’a conquis ici, c’est en raccrochant,
par ce roman, la Saga des ombres à la mythologie générale du Cycle
d’Ender. L’auteur multiplie les liens avec les romans centrés sur Ender, en
particulier en ce qui concerne La voix des morts et la culture des
Doryphores, cette race extraterrestre qui menaçait la terre dans La
stratégie Ender. Non seulement on en apprend plus ici sur leur
civilisation, mais surtout ces informations bouleversent ce que nous pensions
savoir et offrent des perspectives nouvelles quant au propre destin d’Ender post-Stratégie
(narré dans les romans La voix des morts, Xénocide et Les
enfants de l’esprit).
Que dire sur les aspects plus formels du lire ? Une
lecture fluide qui fait bien la part entre portrait psychologique, exposé
scientifique, exploration et action (mais à petite dose, je vous préviens) et
révélations. L’auteur use à bon escient de l’humour et de la corde sensible,
rendant particulièrement émouvante (encore une fois) la fin de son roman. Seul
reproche : l’impression qu’il prend parfois son lecteur pour un malade
souffrant du symptôme de Doris (ne cherchez pas, je viens de l’inventer en
référence à Doris, le poisson souffrant de perte de la mémoire courte du Monde
de Nemo ; ne cherchez pas non plus pourquoi cette référence me vient
maintenant…) : il nous ressasse plusieurs fois certaines informations telle
que l’origine d’un surnom (qui en soit n’est même pas crucial à l’intrigue). Il
fallait bien trouver quelque chose à critiquer…
Avant de conclure, répondons par conséquent à la question
que posait implicitement le statut de suite/non-suite : un lecteur novice
dans l’univers de Card peut-il lire et apprécier Les rejetons de l’ombre ?
Sa singularité fait que, à mon sens, oui : un lecteur n’ayant pas lu les
tomes précédents de la Saga des Ombres pourrait éventuellement
apprécier. Bien sûr, il ne comprendra pas la portée de toutes les références et
certains points resteront peut-être obscurs. En revanche, il me semble
indispensable d’avoir lu au minimum La stratégie Ender (et encore mieux,
La voix des morts mais pas obligatoirement) car, sans cela, le lecteur
ne saisira pas l’enjeu de ce nouveau roman et risquera de trouver ennuyeuses et
convenues les révélations sur les Doryphores.
En bref : suite uniquement du point de vue chronologique et des personnages,
Les rejetons de l’ombre apparaît comme un roman radicalement singulier
dans le cycle d’Ender dans lequel il s’inscrit pourtant en explorant la culture
des mystérieux doryphores. On quitte la science-fiction politique pour une
aventure scientifique spatiale. Par cette fraîcheur, alliée à un lien profond
avec la mythologie fondatrice d’Ender, ce roman me réconcilie plus que
jamais avec Orson Scott Card. L’auteur nous prouve qu’il n’a rien perdu de son
talent et qu’il nous reste encore beaucoup de choses à découvrir. Espérons que
l’Atalante soit aussi rapide dans la traduction de Shadow alive (la
suite des Rejetons de l’ombre) dont la date de parution VO n'a malheureusement pas encore été annoncée !
9,5/10
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Un avis, un conseil de lecture ? N'hésitez pas !