samedi 13 juillet 2013

Wastburg de Cédric Ferrand



Wastburg
Cédric Ferrand
Folio SF – 404 pages
 
Quatrième de couverture
Wastburg, une cité acculée entre deux royaumes, comme un bout de bidoche solidement coincé entre deux chicots douteux. Une gloire fanée qui attend un retour de printemps qui ne viendra jamais. Dans ses rues crapoteuses, les membres de la Garde battent le pavé. Simple gardoche en train de coincer la bulle, prévôt faisant la tournée des grands ducs à l’œil ou bien échevin embourbé dans les politicailleries, la loi leur colle aux doigts comme une confiture tenace. La Garde finit toujours par mettre le groin dans tous les coups foireux de la cité. Et justement, quelqu'un à Wastburg est en train de tricoter un joli tracassin taillé sur mesure. Et toute la ville attend en se demandant au nez de qui ça va péter.




Ma rencontre avec le livre

Avant même de voir qu’il était proposé sur le forum Livraddict, j’avais déjà eu quelques échos plutôt positifs de ce livre atypique. Je n’ai donc pas hésité très longtemps avant de postuler pour le lire. Merci à la team Livraddict de m’avoir sélectionné car il s’agit d’une belle découverte !


Ma lecture du livre

Si avec Wastburg vous espérez trouver de la bonne vieille fantasy à la Tolkien avec ses nains, elfes et magiciens, passez votre chemin. Ou plutôt non, osez le saut dans cette fantasy d’un autre genre, rafraîchissante et osée loin des clichés éculés du genre ! La citation de China Miéville placée en exergue du roman donne d’emblée le ton en qualifiant Tolkien de « kyste sur le cul de la littérature fantasy ». Prêts à tenter l’expérience ?


Qu’est-ce donc, alors, que ce Wastburg ? Cédric Ferrand, l’auteur, rompt avec les conventions du genre en ne proposant ni une histoire de magie ni une quête initiatique dans laquelle le lecteur suivrait un jeune héros au destin exceptionnel accompagné de nains ou d’elfes. Ici, à chaque chapitre, on change de personnage, personnages qui ne sont finalement que des prétextes à l’immense fresque donnant à voir la ville « médiévale » de Wastburg. Du garde au scribe en passant par le gamin des rues, ces figures donnent à voir la vie de la cité dans ce qu’elle a de plus prosaïque et vulgaire mais aussi dans sa complexité. Ainsi, on peut donc dire que la véritable héroïne de l’histoire c’est la ville elle-même qui prend forme et vie au fil des pages.


Cédric Ferrand prend donc le partie d’une forme et d’une histoire originales. Mais cela fonctionne-t-il ? A mon sens, oui. Je dirai même que j’ai été conquis par la recette. Je ne mentirai pas : j’ai eu un peu de mal au début à entrer dans le livre. En effet, en apparence (du moins pendant les quelques 50 premières pages), rien ne relie les chapitres et les personnages entre eux. Puis, petit à petit, quelque chose émerge et une histoire de la ville se met en place. Celle-ci, si elle n’est pas en elle-même révolutionnaire, est bien ficelée et agréable à suivre. Premier succès, donc, en ce qui concerne le projet de raconter l’histoire d’une ville.

Succès également pour la galerie de personnage que dresse l’auteur. Je l’ai dit, les personnages sont relativement variés. Si certains m’ont plus accroché que d’autres, je dois reconnaître que leur traitement est toujours très bon. En quelques pages l’auteur parvient à donner un véritable background à ses personnages, aussi bien une histoire personnelle qu’une psychologie propre. On sent ici le talent de rôliste de l’auteur qui, si il en est là à son premier roman, était déjà connu dans le monde des jeux de rôle. Ainsi, c’est parfois avec regret que l’on quitte un personnage lorsque son chapitre se termine, preuve que malgré la brièveté du temps passé avec chacun d’eux l’auteur parvient à nous accrocher. Quelques bémols cependant au sujet de ce procédé de la galerie. Tout d’abord, c’est avec regret que je constate que l’auteur ne s’est intéressé qu’à des personnages masculins. Les femmes n’apparaissent que comme protagonistes secondaires dans des chapitres toujours focalisés sur un personnage masculin. Or, je suis sûr que l’auteur aurait pu trouver des représentantes de la gente féminine permettant de donner leur touche particulière à l’atmosphère de la ville qu’il dépeint. Deuxième critique : la faiblesse des descriptions. Autant la psychologie et le background des personnages étaient de qualité, autant j’ai parfois eu du mal à me faire une image physique de certains des personnages.


Mais, devant ces succès, on pardonne ces quelques faiblesses, d’autant plus que le tout est servi dans un style vivant, avec un vocabulaire fleuri qui contribue pleinement à l’atmosphère de la ville. A travers tous ces éléments (intrigue, personnages, plume), Cédric Ferrand réussit son pari : la ville de Wastburg et ses habitants prennent vie devant le lecteur et se dotent d’une réalité impressionnante grâce au souci du détail et de l’anecdote dont fait preuve l’auteur. En tant qu’historien j’ai à plusieurs reprises pu sentir l’influence des recherches historiques sans doute réalisées par Cédric Ferrand pour parvenir à ce niveau de crédibilité, reconnaissant ici et là des éléments sur la ville médiévale vus en cours. Bref, l’auteur a réussi à mettre tous les atouts de son côté pour réussir à faire de ce roman une réussite.




 En résumé : Wastburg est un roman original qui prend à contre-pied les codes de la fantasy. Les allergiques à ce genre y trouveront quelque chose qui pourra peut-être les réconcilier tandis que les habitués pourront y respirer un peu de fraîcheur dans un genre aujourd’hui bien saturé. Parfaitement maîtrisé, le style particulier de Cédric Ferrand parvient à véritablement donner vie à sa ville sans pour autant négliger sa galerie de personnages, tous très soignés. Un auteur et un univers à suivre de près car le seul regret à la fin du livre, c’est cette impression que tous ces personnages sont autant de portes vers des histoires qui demandent encore à être écrites.

mardi 9 juillet 2013

Merci pour le feu (et autres textes) de F.S. Fitzgerald


Merci pour le feu (et autres textes) 
F.S. Fitzgerald
Editions L’Herne
108 pages
Dès le rendez-vous suivant, pourtant, Mrs Hanson eut affaire à l’exception qui confirmait la règle. Le jeune homme paraissait sympathique, mais son œil se fixa avec tant d’insistance sur la cigarette qu’elle tapotait contre l’ongle de son pouce qu’elle la fit aussitôt disparaître. Elle en fut récompensée lorsqu’il l’invita à déjeuner et durant l’heure qu’ils passèrent à table, il lui fit une commande importante. Et ensuite, il insista pour l’accompagner en voiture jusque chez son prochain client, alors qu’elle avait eu l’intention de repérer un hôtel dans le voisinage et d’aller tirer quelques bouffées dans les toilettes.






 Ma rencontre avec le livre

Je remercie le site Babelio pour m’avoir tirés au sort lors de leur opération « masse critique » lors de laquelle des lecteurs peuvent sélectionner des livres qui les intéressent pour tenter de les gagner en échange de quoi ils doivent ensuite donner leur avis. Je vous invite à découvrir cet événement sur le site Babelio.


Ma lecture du livre

Le petit ouvrage que j’ai ainsi gagné m’a laissé quelque peu sceptique. Sur ces quelques cent pages sont réunis six textes de F.S.Fitzgerald, le célèbre auteur de Gatsby le Magnifique. Si ces textes ne sont pas forcément mauvais, leur présentation et leur exploitation laissent en revanche à désirer. Procédons donc en deux temps pour cette critique : d’abord les textes puis l’édition en elle-même.


Les six textes présentés m’ont semblé assez inégaux. Le premier, « Merci pour le feu », qui donne son titre au recueil s’est avéré être une petite nouvelle courte mais qui m’a fait sourire par l’intemporalité du thème évoqué : la dépendance à la cigarette. Sympathique donc, mais sans plus. Le second texte, « Ma ville perdue », dont la nature entre nouvelle et souvenirs personnels est déjà plus floue, m’a quant à lui bien plus intéressé. En une trentaine de pages, l’auteur nous dépeint le passage de la New-York des années folles à celle de la crise des années 30. Le troisième texte, « Une centaine de faux départs » s’est également avéré intéressant à découvrir, donnant à voir les travaux manqués de Fitzgerald et toutes les idées qui n’auront rien donné. Les trois derniers textes, en revanche, m’ont laissé bien plus sceptique. Ils ne sont pas mal écrits ou inintéressants mais ils sont présentés sans aucune information, sans explication et leurs enjeux apparaissent donc peu clairs au lecteur. On peut donc dire que les textes en eux-mêmes ne sont pas transcendants. Si certains sont plaisants, ils demeurent en grande partie peu convaincants ou prenants et le travail de l’éditeur est selon moi à mettre en cause ici.


Passons donc au deuxième point : le travail de présentation et d’édition des dits textes. Et là, je trouve qu’il y a un gros problème. Tout d’abord, si je n’avais pas reçu un feuillet de présentation de l’ouvrage (du genre de ceux que reçoivent les libraires ou les journalistes), je n’aurai même pas compris qu’il s’agissait là d’un  recueil de textes ! En effet, rien ne l’indique sur la couverture ou dans le résumé de l’ouvrage. Bien sûr, je m’en serai rendu compte en lisant. Mais c’est déjà là un mauvais point selon moi car le livre n’est pas identifiable pour ce qu’il est, à savoir un recueil de plusieurs petits textes alors qu’on pourrait penser qu’il s’agit d’une seule longue nouvelle.

Deuxième problème : l’apparat critique. Mis à part deux ou trois notes du traducteur, l’éditeur n’a absolument pas présenté ou commenté les textes rassemblés dans l’ouvrage. Ils nous sont balancés (oui, le terme est le bon) à la suite et c’est à peine si on nous indique leur contexte de publication. Il manque à la fois des notes pour expliciter les allusions de Fitzgerald (à des évènements, lieux, personnages de l’époque) mais surtout un commentaire ou au minimum une introduction à chaque texte permettant au lecteur de comprendre si ce qu’il lit est une nouvelle au sens strict, un essai, un fragment d’autobiographie ou bien encore autre chose. Je ne suis pas sûr, mais je crois qu’un tel commentaire est proposé pour le troisième texte (« Une centaine de faux départs »). Pourquoi n’en suis-je pas sûr ? Car ce que j’interprète comme un commentaire arrive directement après le texte, sans espace plus grand que celui séparant les paragraphes du texte de Fitzgerald et est écrit exactement dans la même police (taille, forme etc). Bref, c’est assez étrange et on se demande si ce n’est pas Fitzgerald lui-même qui commente son propre texte en parlant de lui à la troisième personne tellement rien n’indique qu’il s’agisse d’un apport extérieur.

Et, dernière critique concernant l’édition : que le texte soit livré brut de décoffrage au lecteur, soit, c’est un choix de l’éditeur. Mais, si je n’ai pas payé le livre, je pense à ceux qui le feront (ou pas car c’est un peu du vol à ce prix) car ces cent pages coûtent tout de même 9,5€ ! A mon goût, le prix est excessif car, devant l’absence totale de travail éditorial (mis à part la traduction), je ne vois pas ce qui justifie un tel prix pour un si petit livre. Un libirio à 2€ présente plus de travail que cette édition.



En résumé : des textes qui auraient pu être intéressants mais très mal édités. Un absence complète de mise en valeur, de contextualisation et d’explication que le lecteur pourrait être en droit d’attendre devant le prix de l’ouvrage. Je ne le recommande qu’aux fans de Fitzgerald qui pourront décrypter l’intérêt de ces textes par eux-mêmes (et même pour eux, je suis sûr qu’il existe des éditions bien plus rigoureuses que celle-ci…).
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