Les Chemins de poussière 1 : Saba, Ange de la mort
Moira Young
Editions Gallimard Jeunesse
420 pages
Moira Young
Editions Gallimard Jeunesse
420 pages
Quatrième de couverture
Saba vit dans un monde régi par aucune loi. Quand son frère
jumeau est enlevé, elle n’hésite pas à se lancer seule à la poursuite des
ravisseurs. Dans une quête peuplée de créatures féroces, Saba va devoir se
transformer en une impitoyable guerrière pour survivre… Mais elle va également
devoir apprendre à ouvrir son cœur.
Ma rencontre avec le livre
J’ai repéré ce livre dès sa sortie en grand format l’an
dernier : le résumé et le style des extraits que j’avais pu lire n’avaient
pas manqué de me faire penser à la trilogie Le chaos en marche de
Patrick Ness (sans doute un de mes auteurs préférés). A l’occasion de la sortie
du tome 2 en grand format et du tome 1 en poche en février, j’ai donc saisi
l’opportunité que m’offrait Gallimard Jeunesse d’enfin pouvoir le lire :
merci pour cette belle découverte !
Ma lecture du livre
Saba, Ange de la
mort est le premier volet d’une trilogie dystopique YA (Young Adult) qui n’est pas
sans rappeler Hunger Games ou Le chaos en marche. En effet, la
recette est plus ou moins un mélange de ces deux romans : une héroïne au
caractère bien trempé et anti-conformiste à la Katniss d’Hunger Games,
une terre ravagée (par on ne sait trop quelle catastrophe) mais surtout une
langue âpre nous faisant directement entendre la voix de Saba qui n’est pas
sans rappeler le Bruit de Tood dans Le chaos en marche.
En reprenant ces bons ingrédients, Moira Young peut
difficilement faire quelque chose de mauvais. Mais parvient-elle à se
distinguer de ces autres romans ? La réponse est oui, sans aucun doute.
L’auteur parvient, malgré ces similitudes, à nous offrir un livre disposant de
son atmosphère propre et qui réussit sans difficulté à se hisser au niveau de
ces grands succès dystopiques du moment.
L’univers peut apparaître, à première vue, un peu vide.
Mais, il se révèle peu à peu au lecteur au fur et à mesure que Saba découvre
elle-même ce monde ravagé, dur et violent où ne subsistent que des vestiges de
ce qui peut avoir été notre civilisation (appelée ici « Les
Destructeurs »). L’auteur laisse échapper ça et là des éléments qui ne
manqueront sans doute pas d’être développées dans les tomes suivant car on sent
dès ce premier livre qu’il s’agit d’éléments clés.
Vivant loin de tout avec son père, son frère et sa sœur,
Saba se retrouve forcée après l’enlèvement de son frère de quitter le foyer
familial. On la suit alors dans un périple où s’enchaînent les rebondissements,
en particulier dans la première partie du roman. La seconde moitié est en effet
plus posée, offrant moins de surprises mais reste intéressante à lire.
L’intrigue n’est finalement pas révolutionnaire (plus ou moins une quête pour
retrouver un être cher) mais ce sont les personnages et le traitement qui font
la force du livre.
Commençons par les personnages. L’héroïne, Saba, n’est pas
sans rappeler une certaine Katniss comme nous l’avons dit : une jeune
femme combative au caractère bien trempé. Mais la comparaison s’arrête là. Là
où Katniss apparaît comme la fille forte, dévouée…etc, Saba apparaît plus
humaine. D’emblée, on constate qu’elle est pleine de faiblesses et son mauvais
caractère, son irritabilité et son attitude agressive vis à vis des personnages
qui l’entourent (en particulier sa sœur) en font, selon moi, un personnage bien
plus complexe.
Le roman met en scène d’autres personnages que j’ai tous
trouvés très bien conçus et intéressants à rencontrer. Ils ne sont pas
très nombreux mais sont très variés, que ce soit du côté des méchants
(assez originaux) que des alliés de l’héroïne. Et puisqu’on parle des alliés,
on ne peut pas ne pas évoquer l’immanquable histoire d’amour qui traverse la
seconde moitié du roman. Jouer sur la fibre romantique est à la mode en ce
moment (cf. le triangle amoureux qui finalement est au cœur de toute l’intrigue
d’Hunger Games). On n’y échappe pas ici. Mais, heureusement, Moira Young
n’en fait pas le pilier de son intrigue. Bien sûr la relation assez complexe de
Saba avec un certain personnage (dont je tais le nom) tient une place
importante dans la construction du personnage de Saba mais n’empiète pas sur la
quête. De plus, l’auteur ne nous ressert pas l’éternel triangle à la Hunger
Games ou à la Twilight et je lui suis très reconnaissant de
ne pas céder à ce schéma facile et éculé.
Outre les personnages, c’est le traitement de l’histoire qui
donne sa saveur au roman. Moira Young nous propose une narration à la première
personne qui donne à entendre la voix de Saba elle-même. Or, à l’image du style
de Patrick Ness dans la voix du couteau, l’auteur prend le parti de ne
pas faire passer cette voix par le moule de la langue littéraire et du style policé
qu’on rencontre habituellement dans les romans. Saba est une jeune fille qui
n’est jamais allé à l’école et qui ne sait pas lire. Sa voix s’en
ressent : tournures bancales, expressions familières, phrases courtes, ton
sec. Moira Young joue donc un jeu assez subtile avec la langue : créer un
style qui se caractérise pas l’impression qu’il n’y a justement pas de style et
pas de recherche littéraire. Il peut ainsi être assez difficile, au début,
d’écouter cette voix, mais, rapidement, on y plonge. Et, lorsque Saba s’arrête
finalement de nous parler, on en redemande !
Puisque je n’ai eu de cesse de faire des comparaisons tout au long de
cette chronique, finissons sur ce point. Si vous avez aimé Hunger Games
ou/et Le chaos en marche (qu’il faut absolument lire !), vous
devriez apprécier de faire connaissance avec Saba dans Les chemins de
poussière. Certes, le Bruit du Chaos en marche reste (dans mes
souvenirs) plus percutant et le suspens m’a paru plus maîtrisé dans Hunger
Games. Cependant Saba, Ange de la mort, en mélangeant les
ingrédients de ces deux précédentes sagas est une œuvre tout autant remplie de
qualité et, si elle ne dépasse pas ces « modèles », elle atteint sans
peine leur niveau. De plus, avec deux tomes encore à venir, Moira Young dispose
d’une bonne marge de manœuvre pour nous surprendre (ce qu’elle ne manquera pas
de faire, j’en suis sûr !).
En résumé : un très bon premier roman qui
ouvre une trilogie dystopique prometteuse. Un univers qui ne révèle pour le
moment que peu de choses sur ce qu’il cache, des personnages variés et
intéressants à suivre, une écriture (ou plutôt une voix) percutante qui donne
toute son identité à Saba et au livre. Une saga à suivre et une autre
preuve que, malgré la déferlante lié au phénomène de mode, le genre dystopique
peut offrir de très bon romans.
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