Trilogie new-yorkaise
1)
Cité de Verre
2)
Revenants
3)
La Chambre dérobée
Editions Babel
444 pages
Synopsis :
Indescriptible. Trois récits aux allures d’intrigues
policières voyant un narrateur embarqué malgré lui dans la recherche d’un
individu porté disparu mais se voyant finalement rapidement confronté à
lui-même, à un monde qui perd son sens et à un langage qui échoue dans sa
fonction première de communication. Bref, à vous de lire pour vous faire une
idée…
En presque un an de chronique, c’est la première fois que
cela m’arrive : je bloque au moment de rédiger. Différentes raisons à
cela. La première tient à ma lecture de l’œuvre qui s’est étalée sur près d’un
an puisque j’ai fait des pauses de plusieurs mois entre chaque épisode bien
qu’ils soient réunis au sein du même volume. La seconde raison est liée à
l’œuvre elle-même : atypique, troublante voire dérangeante, insaisissable.
L’œuvre est à l’image de son sujet : une langue qui nous hypnotise, nous
exténue (sans connotation négative) mais qui finalement nous échappe et nous
laisse avec un sentiment de manque, d’inachevé et de lecture vaine. Une
citation du livre, qui met en abyme la lecture du narrateur et celle du
lecteur, résume parfaitement le sentiment suscité par ce livre :
« J’ai lu sans discontinuer pendant une heure,
feuilletant ici et là, essayant de me faire une impression […]. Si je ne dis
rien de ce que j’y ai trouvé, c’est parce que je n’ai compris que très peu de
chose. Tous les mots m’étaient familiers, mais ils semblaient pourtant avoir
été rassemblés bizarrement, comme si leur but final était de s’annuler les uns
les autres. Je ne peux trouver d’autre façon de dire cela. Chaque phrase
effaçait la précédente, chaque paragraphe rendait le suivant impossible. […] Il
avait répondu à la question en posant une autre question et tout restait donc
ouvert, inachevé, à recommencer. Je me suis égaré après le premier mot, et dès
lors je n’ai pu qu’avancer à tâtons, vacillant dans l’obscurité, aveuglé par le
livre qui avait été écrit pour moi. Et pourtant sous cette confusion, j’ai
senti qu’il y avait quelque chose de trop voulu, de trop parfait, comme si en
fin de compte la seule chose qu’il eût vraiment désirée était d’échouer – au point de
se vouer lui-même à l’échec. »
Longue citation tirée de la Chambre dérobée mais qui résume
parfaitement ce que je vais essayer de dire sur ces trois récits.

Et en particulier à la fin. Car finalement, comme le dit la
citation. Auster nous répond par une autre question. On poursuit sa lecture en
espérant comprendre mais, arrivé à la dernière page, on ne comprend toujours
pas, ou pas complètement. Les motivations des personnages qui échouent à
communiquer nous échappent. On est confronté à ce monde incompréhensible dans
lequel s’agitent en vain les personnages. On en aurait presque le sentiment que
notre lecture, elle aussi, a été vaine.

En résumé : une lecture intéressante mais pas forcément
évidente à suivre (d’où les longues pauses que j'ai faites entre chaque récit). Je conseille
aux curieux qui aiment découvrir des romans atypiques et loin des codes. En
revanche, je déconseille à ceux qui ont besoin de récits bien cadrés et aux intrigues
clairement résolues car il s’agit là d’un des premiers codes desquels Paul
Auster s’affranchit sans pour autant que la trilogie ressemble à un n’importe
quoi sans queue ni tête. J’en revient toujours à ma citation : « sous
cette confusion, j’ai senti qu’il y avait quelque chose de trop voulu, de trop
parfait », quelque chose qu’on pressent mais qu’on arrive pas à saisir. Et
c’est là le sentiment qui fait la force du roman en répondant à la question qui
traverse toute l’œuvre : le langage et la capacité à dire les choses.
7 / 10