Gatsby le Magnifique
F. Scott Fitzgerald
Quatrième de couverture
Au début des années 1920, dans une débauche de luxe,
d’alcool et d’argent, un mystérieux personnage s’installe à Long Island dans un
domaine incroyable d’extravagance. Qui est ce charmant et légendaire Gatsby,
incarnation du pouvoir et de la réussite, dont les fêtes attirent toute la
société locale ? Les rumeurs les plus folles circulent. Un espion ?
Un gentleman anglais ? Un héros de guerre ? Un mythomane ?
Une vérité plus profonde se cache derrière l’orgueil et la
magnificence de Gatsby, celle d’un ancien adolescent pauvre et d’un amant trahi
qui ressemble beaucoup à Fitzgerald lui-même.
Le vingtième siècle ne fait que commencer mais la fête semble
déjà finie…
Ma rencontre avec le livre
Ma lecture du livre
Gatsby fait partie de ces romans qui,
tout en racontant une histoire convenue (une romance impossible), laissent
pourtant sur leur lecteur une impression singulière et durable. Différents
éléments contribuent à ce sentiment positif que m’a laissé le roman.
Tout d’abord, le contexte des années 1920 à
New-York m’a beaucoup plu. En apparence belle et clinquante de dynamisme, cette
époque des fêtes et du Jazz (cf. les « Années folles » en France pour
cet état d’esprit) ne m’est pas forcément très connue et c’est donc avec
plaisir que je m’y suis plongé au gré des péripéties de Gatsby.
Cependant, Gatsby ne se veut pas un roman
historique. Et on touche là au deuxième point fort du livre : la
subjectivité du narrateur et son ton, sa voix particulière. En effet, Gatsby
ne propose pas un tableau objectif de ce New-York des 1920’s. Notre découverte
se fait par le biais d’une narration à la première personne sur le mode du
souvenir. Nick Carraway (le narrateur) écrit ce dont il se souvient de ces
années là. Ainsi, le livre que nous tenons entre les mains n’est en quelque
sorte pas celui de Fitzgerald mais celui du narrateur lui-même qui explique dès
le début son besoin de coucher cette histoire sur le papier. Dès lors, c’est
moins le récit événementiel ou les éléments historiques qui comptent que la
perception et les émotions que tente de retrouver le narrateur en écrivant. Il
adopte alors une voix bien particulière qui dégage un je ne sais quoi entre la
nostalgie et la désillusion. Ce contraste entre le récit d’un monde léger,
insouciant, débridé et ce ton désillusionné, cette tentative de recul vis à vis
des événements (que le narrateur ne semble pas réussir à mener à son terme)
font la force de cette histoire.
Et on en arrive alors à la troisième qualité
de Gatsby : la peinture d’un rêve américain qui se fissure. Au-delà
de la romance, si le roman a connu un tel succès après la vie de son auteur,
c’est grâce à son caractère visionnaire et à la capacité de Fitzgerald de
pressentir, derrière les paillettes, l’alcool et les fêtes, les fissures qui
commencent à apparaître dans cette belle Amérique rêvée. Une phrase de la
quatrième de couverture exprime très bien cela : « Le
vingtième siècle ne fait que commencer mais la fête semble déjà finie… ».
Ainsi, si l’intrigue est assez standard, le roman est très
riche. De plus, l’auteur sait ménager son suspens autour du personnage de
Gatsby. Le mystère est savamment entretenu par des allusions et des tournures
de phrases du narrateur visant à intriguer le lecteur. Les personnages sont
complexes et leurs portraits bien brossés. Gatsby est donc un roman
réellement plaisant à lire et dans lequel on entre sans problème.
Et le film ?
Je suis globalement très satisfait par le travail
d’adaptation qui a été fait. Le film est ainsi très fidèle, à l’exception de
certaines modifications concernant le narrateur. Le texte du roman est
littéralement présent dans le film. Le casting colle aux personnages même si
j’avoue avoir eu parfois un peu de mal avec Tobey Maguire.
On peut être surpris par la surenchère d’effets spéciaux et
la bande son (qui est un des gros plus du film, en particulier la piste Youngand Beautiful de Lena Del Rey). Certains crieront à l'anachronisme. C'est
qu'ils n'ont pas compris la teneur du film et l'objectif visé par le
réalisateur : Gatsby n'est pas un roman/film historique. On est dans la
subjectivité du narrateur qui rapporte
son histoire sur le mode du souvenir et non en direct, souvenirs qui émergent de
soirées alcoolisées. Dès lors, le but est moins de reconstituer fidèlement des
évènements que de retrouver une atmosphère à travers des souvenirs par
définition déformés, exagérés. La surenchère visuelle et sonore trouve alors
son sens : de la même manière qu'on se rappelle notre premier sapin de noël
bien plus grand, brillant et magique qu'il ne l'était sans doute, le narrateur
ne nous donne pas à voir Gatsby et son monde tels qu'ils étaient réellement,
mais comme il s'en souvient et se les est reconstruits.
Les effets spéciaux dégoulinants sont ainsi volontaires pour
restituer ces étoiles dans les yeux que gardent en mémoire le narrateur. Les
anachronismes musicaux sont quant à eux un moyen de faire ressentir avec un
langage compréhensible pour le spectateur de 2013 la fièvre de ces soirées (si
on nous avait mis de la musique d'époque, certes on aurait été dans le
"vrai" mais il y aurait eu un décalage entre le ressenti du narrateur
et celui du spectateur. Or, je le redis, c'est là dessus que tout repose et pas
sur le contenu ou la peinture historique des soirées proprement dits.
La seule faute de goût dans la direction artistique est
selon moi le recours à des plans 3D qui n’apportent rien (j’ai vu le film en 2D
et, lors de certaines scènes, on voit clairement que les plans ont été pensés
de manière à mettre en évidence, sans apport de sens, la 3D).
Bref, une adaptation honnête mais qui ne parvient cependant
pas à restituer totalement le ton et les émotions du narrateur que véhiculent
le roman. La faute peut-être à un éclairage mis plutôt sur la romance dans le
film.
Pour résumer : un roman culte qui n’a pas volé sa
place. Une histoire d’amour convenue mais un style fort et un ressenti général
bien singulier qui révèle le regard visionnaire de Fitzgerald sur la crise du
rêve et de la société américaine à venir.
8,5/10